Après trois mois de forte mobilisation des grévistes contre le projet de réforme des retraites, la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 était attendue avec une grande impatience. Les Sages se sont prononcés le 14 avril dernier en faveur d’une conformité partielle à la Constitution. La plupart des mesures ont été déclarées constitutionnelles, même si six cavaliers sociaux ont été censurés.
La loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ayant été promulguée et publiée au Journal officiel le 15 avril 2023, la réforme des retraites peut donc entrer en application. Certaines entreront en vigueur en septembre prochain, alors que d’autres sont subordonnées à la publication de décrets d’application.
La réforme des retraites majoritairement validée par le Conseil constitutionnel
La plupart des mesures contenues dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ont été validées par le Conseil constitutionnel.
Validation de l’intégration de la réforme des retraites dans une loi de financement rectificative de la Sécurité sociale
Les requérants de l’opposition contestaient le recours à une loi de financement pour porter une telle réforme. Il s’agissait selon eux d’un détournement de la procédure, afin de bénéficier notamment de la procédure accélérée prévue par l’article L. 47-1 de la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a écarté les arguments des requérants et a ainsi jugé que le législateur avait régulièrement eu recours à une loi de financement rectificative de la sécurité sociale.
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Validation des mesures phares de la réforme des retraites
Après avoir contrôlé la forme de la réforme, les Sages se sont ensuite attelés à vérifier la constitutionnalité des mesures intrinsèques à la réforme des retraites, qu’ils ont pour la plupart jugées constitutionnelles.
Parmi celles-ci, les mesures substantielles étant à l’origine de la mobilisation populaire nationale dans la rue, soit le rehaussement de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans et l’allongement de la durée de cotisation ont expressément été jugées constitutionnelles.
De même, l’examen du dispositif de retraite anticipée pour carrières longues a abouti à une déclaration de conformité à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
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La censure de six « cavaliers sociaux »
Malgré une validation du cœur de la réforme, six groupes de dispositions ont fait l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel au motif que les mesures n’avaient pas leur place dans cette loi, ou au motif qu’elles n’avaient pas d’effet, ou un effet trop indirect sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement.
Pour cette raison, ces mesures jugées inconstitutionnelles sont qualifiées de « cavaliers sociaux ». Il s’agit de :
- L’article 2 de la loi consacré à « l’index senior » pour les entreprises d’au moins 300 salariés.
- L’article 3 de la loi prévoyant la création d’un « CDI senior ».
- L’article 6 de la loi qui prévoyait notamment l’abandon du transfert du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire Agirc-Arcco aux Urssaf.
- Une partie des dispositions de l’article 10 de la loi traitant des conditions d’ouverture du droit au départ anticipé pour les fonctionnaires ayant accompli leur service dans un emploi classé en catégorie active ou super-active pendant les dix années précédant leur titularisation.
- Une partie des dispositions de l’article 17 qui instituait un suivi médical spécifique pour les salariés exerçant ou ayant exercé des métiers ou des activités particulièrement exposés à certains facteurs de risques professionnels.
- L’article 27 de la loi instaurant un dispositif d’information à destination des assurés sur le système de retraite par répartition.
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Le rejet de la première proposition de loi sur le RIP (référendum d’initiative partagée)
Le 14 avril dernier, le Conseil constitutionnel a également dû se prononcer sur la recevabilité du RIP initié par la NUPES. La proposition de loi appelait les électeurs à se prononcer en faveur ou en défaveur de la limitation de l’âge légal de départ en retraite à 62 ans.
Le Conseil constitutionnel a rejeté cette proposition de loi, au motif que l’âge de départ en retraite n’emporte pas de changement de l’état du droit. Ainsi, le texte ne peut aboutir à l’organisation d’un référendum.
Le 3 mai prochain, les Sages devront rendre une nouvelle décision concernant la seconde proposition de loi sur le RIP, présentée cette fois par le PS.
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Les principales mesures de la réforme des retraites
Ayant été validées par le Conseil constitutionnel, la majorité des mesures figurant dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale vont donc entrer en vigueur.
Certaines s’autosuffisent, alors que d’autres nécessitent au préalable la publication d’un décret d’application. Retour en bref sur les principales mesures de la réforme des retraites.
Recul de l’âge légal de départ en retraite et allongement de la durée de cotisation
Pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1968, l’âge légal de départ à la retraite passera de 62 à 64 ans. Pour les assurés nés entre 1961 et 1967, l’âge légal de départ en retraite sera fixé par décret, augmentant de 3 mois par génération.
La durée de cotisation requise pour partir à la retraite sera de 172 trimestres (correspondant à 43 annuités) à compter de 2027 au lieu de 2035, comme cela avait été initialement prévu par la loi Touraine. L’accélération de la mise en œuvre de cette mesure correspond à un trimestre supplémentaire par an au lieu d’un trimestre supplémentaire tous les trois ans.
L’âge « taux plein » est maintenu à 67 ans : les personnes liquidant leur pension de retraite à 67 ans continueront de bénéficier d’une retraite à taux plein, même si elles ne remplissent pas la condition du nombre de trimestres cotisés.
Une surcote sera attribuée aux parents entre leurs 63 ans et leurs 64 ans s’ils justifient déjà du nombre de trimestres requis pour partir à la retraite.
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Départ anticipé pour « carrières longues »
Le dispositif permettant aux assurés justifiant d’une carrière longue, de bénéficier d’un départ anticipé à la retraite fait l’objet d’aménagements conséquents en conséquence du relèvement de l’âge légal de départ en retraite.
Les assurés devront justifier de 2 conditions cumulatives pour prétendre à un départ anticipé à la retraite pour carrière longue :
- Justifier de la durée d’assurance requise (172 trimestres cotisés)
- Avoir l’atteint l’une des 4 bornes d’âge définies par décret
Le nouveau dispositif est donc subordonné à l’entrée en vigueur d’un décret pour produire ses effets.
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Départ anticipé pour incapacité
Pourront également prétendre à un départ anticipé à la retraite à 60 ans les salariés subissant une incapacité permanente à un taux au moins égal à 20%. Lorsque le taux est d’au moins 10%, l’assuré peut partir à la retraite deux ans avant l’âge légal, à taux plein, si l’incapacité est liée à une exposition à des facteurs de pénibilité pendant une durée fixée par décret.
Nouveau régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle et de l’indemnité de mise à la retraite
L’article 4 de la loi harmonise le régime social de l’indemnité de rupture versée dans le cadre d’une rupture conventionnelle et dans le cadre d’une mise à la retraite.
Aujourd’hui, le régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle est différent selon que le salarié peut faire valoir ou non ses droits à la retraite au moment ù l’indemnité lui est versée. Si le salarié est en droit faire valoir ses droits à la retraite, l’indemnité de rupture conventionnelle sera entièrement soumise à cotisations sociales (salariales et patronales), au même titre que du salaire. Si ce n’est pas le cas, l’indemnité de rupture conventionnelle est exonérée des cotisations sociales salariales, mais soumise à un forfait social patronal de 20%. L’indemnité de mise à la retraite est quant à elle soumise à une contribution patronale de 50%.
Pour les ruptures conventionnelles et les mises à la retraite intervenant à compter du 1er septembre 2023, le régime social sera harmonisé : les employeurs seront redevables d’une contribution patronale spécifique de 30%.
L’objectif du Gouvernement à travers cette mesure est de dissuader les employeurs de se séparer de leurs salariés seniors, un pic de ruptures conventionnelles deux ou trois années avant l’âge légal de départ à la retraite ayant été observé par l’Unedic.
La loi relative à la réforme des retraites est dense et comporte de nombreuses autres mesures telles que :
- L’assouplissement des possibilités de rachat de trimestres
- L’assimilation des stages de la formation professionnelle à des périodes de cotisation
- La création d’une assurance vieillesse pour les aidants
- Des aménagements aux dispositifs de retraite anticipée pour les assurés en situation de handicap ou reconnus comme ayant eu une carrière pénible
- La création d’un nouveau cas de départ anticipé à la retraite pour les salariés reconnus inaptes au travail
- La revalorisation des pensions de retraite à compter de septembre 2023
- La création d’une pension d’orphelin dans le régime général
- Une meilleure information des assurés pour faciliter la transition vers la retraite
- Etc…
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Les prochaines étapes relatives à l’entrée en vigueur de la réforme des retraites
La réforme des retraites entrera en vigueur le 1er septembre 2023. Ainsi, les mesures dont l’entrée en vigueur ne nécessite pas la publication d’un décret entreront en application le 1er septembre 2023, tandis que les autres ne le seront qu’une fois le ou les décrets d’application publiés au Journal officiel.
Les mesures censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 14 avril 2023 n’entreront pas en vigueur dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale rectificative. Si le législateur ne souhaite pas y renoncer, il devra les intégrer dans d’autres projets de lois. Il est possible qu’elles fassent partie du projet de loi sur le travail et l’emploi dont la présentation est annoncée pour l’été 2023.
Le 3 mai 2023, le Conseil constitutionnel rendra sa décision sur la seconde proposition de loi sur le RIP présentée par le PS.
Il est enfin prévu que le comité de suivi des retraites devra formuler auprès du Parlement, avant le 1er octobre 2027, un rapport d’évaluation de la réforme et des mesures légales et réglementaires en matière d’emploi des seniors. Ce rapport aura vocation à lancer un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat sur le bilan et les conditions d’adaptation de la loi portant la réforme des retraites.
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