La loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, publiée le 22 décembre 2022 a inséré l’article L. 1237-1-1 dans le Code du travail, prévoyant que le salarié ayant abandonné son poste et ne reprenant pas le travail après avoir été mis en demeure par son employeur de justifier son absence ou de reprendre son poste, est présumé démissionnaire.
Un décret d’application était attendu pour fixer le délai minimum à prévoir dans la mise en demeure, et ainsi pour rendre la mesure pleinement applicable.
C’est chose faite ! Le décret consacré à la présomption de démission a été publié au Journal officiel le 18 avril dernier. Un Questions-Réponses venant apporter des précisions supplémentaires a, ce même jour, été mis en ligne par le Ministère du travail.
Présomption démission abandon de poste : Un délai minimum de 15 jours laissé au salarié pour reprendre son poste
Le décret prévoit que le délai laissé par l’employeur au salarié ayant volontairement abandonné son poste, dans la mise en demeure de justifier son absence et reprendre son poste de travail, ne peut être inférieur à 15 jours. Le questions-réponses présomption démission abandon de poste précise que ce délai est calculé en jours calendaires.
Le délai commence à courir à compter de la présentation au salarié de la mise en demeure de l’employeur. L’employeur a le choix, pour la notification, entre la lettre recommandée et la remise en main propre contre décharge.
La notification ou non de cette mise en demeure est laissée à l’appréciation de l’employeur. La mise en œuvre de cette procédure n’est donc pas obligatoire.
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La justification d’un motif légitime : l’alternative au retour du salarié à son poste
Lorsque le salarié prend connaissance de la mise en demeure, il peut, pour faire obstacle à la procédure de présomption de démission pour abandon de poste, notifier à l’employeur un motif légitime dans le délai fixé par l’employeur.
Le décret liste différents motifs pouvant être invoqués par le salarié :
- Des raisons médicales.
- L’exercice du droit de retrait.
- L’exercice du droit de grève.
- Le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation.
- La modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.
Cette liste, non exhaustive, permet au salarié de donner des arguments pour renverser la présomption de démission pour abandon de poste initiée par son employeur. Le questions-réponses précise en effet qu’en cas de motif légitime avancé par le salarié, la procédure d’abandon de poste est rendue caduque.
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De nombreuses précisions apportées dans un questions-réponses
Ce mécanisme de présomption de démission en cas d’abandon de poste avait déjà fait couler beaucoup d’encre, et soulevé beaucoup de questions dans la doctrine, au moment de son annonce, puis au moment de la publication de la loi en décembre. Etant donné que sa mise en œuvre était subordonnée à l’entrée en vigueur d’un décret d’application, nous aurions pu penser que la saga aurait pris le 18 avril dernier, jour de publication au Journal officiel dudit décret tant attendu. Il n’en est point ! De nombreuses questions restent en suspens, vectrices d’insécurité juridique pour les employeurs.
Un questions-réponses présomption de démission abandon de poste a été mis en ligne par le Ministère du travail, également le 18 avril 2023, pour tenter mettre la lumière sur différentes zones d’ombre qui avaient été pointées du doigt. Toutefois, le questions-réponses ne permet pas de lever toutes les incertitudes, et rappelons que ces informations n’ont pas de valeur juridique et ne lient pas les juges en cas de contentieux prud’homal.
Il n’y aura pas d’autre choix que d’attendre les premiers cas, les premiers articles de doctrine, les premiers contentieux pour lever, petit à petit, les doutes sur les contours de ce tout nouveau dispositif, complètement inédit en droit du travail français.
Ci-dessous quelques thèmes abordés dans le questions-réponses, non exhaustifs. Pour accéder au questions-réponses complet, cliquez sur le lien ici.
Abandon de poste présomption de démission : Quelques thèmes importants abordés
L’employeur est-il obligé de passer par la procédure de présomption de démission ou peut-il toujours procéder à des licenciements pour abandon de poste ?
Cette interrogation était et demeure, après la publication du décret et la mise en ligne du questions-réponses, certainement la plus préoccupante pour les chefs d’entreprise confrontés à un salarié qui abandonne volontairement son poste.
Du fait des incertitudes planant sur le dispositif, et des risques de saisine du Conseil de prud’hommes par le salarié pour renverser la présomption de démission abandon de poste, les employeurs se montrent frileux à l’idée d’en faire application. De nombreux spécialistes en droit du travail préconisaient, pour sécuriser la fin de la relation de travail avec le salarié, de continuer à licencier pour abandon de poste. Le texte de loi et le décret sont muets à ce sujet.
C’est le questions-réponses qui s’est saisi de ce sujet brulant, par une question détournée cependant : « L’employeur est-il obligé d’envoyer une mise en demeure si son salarié est en abandon de poste ? ». À cette question, le ministère du travail répond que l’employeur n’en a pas l’obligation. S’il ne le fait pas, il conservera le salarié dans ses effectifs, et son contrat sera suspendu, sa rémunération non due.
La questions-réponses poursuit en indiquant que si, à l’inverse, l’employeur souhaite mettre fin au contrat de travail, il doit enclencher la procédure de mise en demeure et de présomption de démission. L’employeur n’a plus « vocation à engager une procédure de licenciement pour faute ». L’ambigüité des termes employés ne nous permet pas d’avoir une position claire et définitive sur le sujet, mais démontre bien la volonté du gouvernement de promouvoir cette nouvelle procédure.
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Comment sécuriser le courrier de mise en demeure de l’employeur ?
Le gouvernement apporte, à travers son questions-réponses, des précisions sur le contenu et la forme de la mise en demeure, qui représentent de précieux conseils pour que les employeurs puissent l’établir de manière sécurisée pour se prémunir d’un éventuel contentieux.
L’employeur doit notamment obligatoirement renseigner, dans son courrier de mise en demeure, le délai laissé au salarié pour reprendre son poste. Il doit également demander la raison de l’absence du salarié, dans le but d’en recueillir le retour.
L’employeur doit aussi rappeler qu’une fois ce délai achevé, si le salarié n’a pas repris son poste, la conséquence directe sera la présomption de sa démission pour abandon de poste.
L’employeur a la possibilité de préciser les conséquences emportées par le refus du salarié de reprendre son poste dans le délai imparti (par exemple, l’absence de la prétention aux allocations chômage en cas de démission). Il est aussi conseillé de mentionner que le salarié est redevable d’un préavis de démission et que sa non manifestation à ce sujet peut être assimilée à un refus de l’exécuter.
Le questions-réponses préconise d’adresser la mise en demeure par lettre recommandée avec accusé réception, pour prévenir toute contestation liée à la date de remise au salarié. Si le salarié refuse de prendre connaissance du courrier, elle est quand même considérée comme notifiée au salarié, du moment qu’elle a bien été présentée au domicile du salarié. Ainsi, la procédure suit son cours.
En l’absence de réponse du salarié dans le délai imparti ou en l’absence de reprise de son poste de travail, il est présumé démissionnaire. Ce constat sera dressé au dernier jour du délai fixé par l’employeur dans la mise en demeure. Les conséquences seront exactement les mêmes si le salarié répond au courrier de mise en demeure, en informant l’employeur qu’il ne reprendra pas son poste de travail.
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Comment articuler la procédure de présomption de démission avec le préavis dont est redevable le salarié ?
Le ministère du travail clarifie le fait que le salarié présumé démissionnaire est redevable d’un préavis, au même titre qu’un salarié qui aurait notifié à son employeur sa volonté claire et non équivoque de démissionner.
Il apparait logique qu’un salarié en abandon de poste, n’ayant pas répondu à la mise en demeure de l’employeur, n’exécute pas son préavis en pratique. Dans un tel cas, l’employeur n’aura pas à lui verser d’indemnité compensatrice. Il pourrait même réclamer au salarié une indemnité compensatrice correspondant aux sommes que le salarié aurait perçues s’il avait exécuté son préavis, même si en pratique, cela ne s’applique quasiment jamais…
Il existe deux autres situations dans lesquelles le préavis peut ne pas être exécuté :
- L’employeur dispense son salarié d’exécuter son préavis : il est dans ce cas redevable, auprès de son salarié, du versement de l’indemnité compensatrice de préavis.
- L’employeur et le salarié se mettent d’accord sur la non-exécution du préavis : aucune indemnité compensatrice ne sera due.
Le questions-réponses prévoit que le préavis de démission commence à courir à compter du dernier jour du délai fixé par l’employeur dans la mise en demeure.
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Quelle articulation entre la Convention collective et la procédure de présomption de démission ?
Le Code du travail ne prévoit aucun formalisme en matière de démission : le salarié peut donc absolument la notifier à son employeur par oral, ou par une autre voie informelle. La seule condition est que sa manifestation soit claire et non équivoque.
Des conventions collectives peuvent cependant prévoir des modalités supplémentaires comme l’exigence d’un écrit. La question de l’articulation entre cette nécessité d’un écrit et la présomption de démission est donc légitime. L’employeur qui présumerait de la démission de son salarié en abandon de poste, alors que la Convention collective exige un écrit du salarié, se met-il en risque en cas de saisine du juge par le salarié ? Cette question n’est pas clairement tranchée.
Le gouvernement appelle les partenaires sociaux à mettre à jour les Conventions collectives pour prévoir explicitement que l’exigence d’un écrit en cas de démission ne s’applique pas dans le cadre de la présomption de démission en cas d’abandon de poste du salarié, prévue part l’article L. 1237-1-1 du Code du travail.
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Quels sont les recours du salarié qui estime la présomption de démission infondée ?
La loi instituant ce mécanisme de présomption de démission en cas d’abandon de poste du salarié prévoit que ce dernier peut saisir le Conseil des prud’hommes pour contester l’application de la présomption de démission. L’affaire sera ainsi portée devant le bureau de jugement qui devra statuer au fond dans le délai d’un mois.
Si le Conseil de prud’hommes juge la présomption de démission abandon de poste comme légitime, la démission produira bien les conséquences de droit commun d’une démission.
À l’inverse, si le Conseil de prud’hommes juge que le motif invoqué par le salarié pour renverser la présomption est justifié, l’abandon de poste sera imputable à l’employeur et produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le décret et le questions-réponses ne précisent pas les conséquences de la notification par le salarié, d’un motif pour renverser la présomption de démission postérieurement au délai fixé par l’employeur dans la mise en demeure. Si on s’en tient au texte de loi, la saisine du Conseil de prud’hommes par le salarié n’est pas subordonnée à la notification préalable à l’employeur, dans le délai fixé dans le courrier de mise en demeure, du motif renversant la présomption de démission pour abandon de poste. Une autre source d’insécurité juridique pour l’employeur…
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Entrée en vigueur du jeu de la présomption de démission en cas d’abandon de poste
Le mécanisme de présomption de démission en cas d’abandon de poste étant subordonné à la publication du décret d’application, il entre donc en vigueur le 19 avril 2023, lendemain de la publication au Journal officiel du décret du 17 avril 2023.
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Cet article sur le sujet présomption de démission abandon de poste a été réalisé par les juristes en droit social de chez Axens.