Au cours de sa vie, une entreprise a de fortes chances d’être confrontée une ou plusieurs fois au constat de l’inaptitude d’un ou plusieurs de ses salariés. Entre respect de la procédure, échanges avec le médecin du travail, comportements à adopter avec le salarié : l’inaptitude génère beaucoup d’interrogations et de craintes pour l’employeur qui doit être sur tous les fronts.
Il est ainsi indispensable, de bénéficier de toutes les clés pour gérer la procédure d’inaptitude d’un salarié de la façon la plus sécurisante.
Qu’est-ce que l’inaptitude d’un salarié ?
L’inaptitude se définit comme l’incapacité pour un salarié, à un moment donné, sur un poste donné, d’exercer une partie ou l’ensemble de ses fonctions professionnelles.
L’inaptitude médicale est prononcée par le médecin du travail lorsqu’il constate que la santé du salarié est devenue incompatible avec le poste qu’il occupe et qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail n’est possible.
L’inaptitude d’un salarié peut être d’origine professionnelle ou non professionnelle.
La notion d’inaptitude ne doit pas être confondue avec celle d’invalidité. En effet, l’invalidité est constatée par le médecin conseil de la CPAM et relève exclusivement de la relation entre l’assuré et la CPAM. Il n’y a pas de lien entre ces deux notions. Un salarié pourra très bien être déclaré inapte par le médecin du travail, sans pour autant être reconnu invalide par le médecin conseil de la CPAM, et inversement.
Reconnaissance inaptitude au travail : Quelle est la procédure ?
Le constat de l’inaptitude au travail relève de la compétence exclusive du médecin du travail. Il est réalisé soit dans le cadre de la visite médicale de reprise, soit à l’occasion de tout autre examen médical assuré par le médecin du travail. Par contre, les visites de pré-reprise, même lorsqu’elles sont obligatoires, ne peuvent donner lieu au constat de l’inaptitude par le médecin du travail.
À l’issue des visites médicales, le médecin du travail peut délivrer 4 types de documents :
- Une attestation de suivi si le salarié ne bénéficie pas d’un suivi médical renforcé.
- Un avis d’inaptitude.
- Un avis d’aptitude réservé aux salariés exposés à des risques particuliers.
- Un document comportant des propositions d’aménagement de poste.
Un avis d’inaptitude médicale au travail ne peut être délivré qu’après le respect, par le médecin du travail, d’une procédure stricte :
- La réalisation d’au moins un examen médical du salarié, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste.
- La réalisation d’une étude du poste de travail.
- La réalisation d’une étude des conditions de travail dans l’établissement et la mention de la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée.
- La réalisation d’un échange avec l’employeur.
Un second examen de reprise peut être nécessaire si le médecin du travail l’exige pour lui permettre de motiver sa décision. La notification de l’avis d’inaptitude intervient au plus tard, à la date d’expiration du délai de 15 jours suivant le premier examen de reprise.
Attention, l’avis d’inaptitude doit être clair et non équivoque. Par exemple, l’avis d’inaptitude indiquant l’aptitude à occuper le poste avec des mesures d’aménagement constituant une modification du contrat de travail n’est pas un avis d’inaptitude. Le document doit être expressément intitulé « avis d’inaptitude » et ne faire aucune mention à une notion d’aptitude.
L’avis d’inaptitude contient des conclusions écrites, des indications relatives au reclassement du salarié.
En cas de doute sur l’interprétation de l’avis, il est préconisé de contacter le médecin du travail à l’origine de l’avis pour lui faire confirmer ou infirmer la qualification d’avis d’inaptitude. Même si l’avis d’inaptitude est clair, un échange avec le médecin du travail est conseillé.
À lire : Rupture conventionnelle, la procédure à connaitre.
Que recouvre l’obligation de recherche de reclassement qui incombe à l’employeur ?
Inaptitude au travail : L’obligation de reclassement du salarié
La reconnaissance de l’inaptitude par le médecin du travail déclenche pour l’employeur l’obligation de lui proposer un autre poste approprié à ses capacités :
- Après avis du Comité Social est Economique s’il en existe un dans l’entreprise, que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non professionnelle.
- En tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur la capacité du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.
- Et aussi comparable que possible au poste précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles qu’aménagements, adaptations ou transformations de postes existants.
L’employeur est cependant dispensé de toute recherche de reclassement lorsque sur l’avis d’inaptitude, l’une des deux mentions suivantes est cochée :
- Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.
- L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Hormis ces deux cas d’inaptitude sans reclassement, la recherche de reclassement est obligatoire.
Inaptitude au travail : La procédure de reclassement du salarié
L’employeur dispose d’un délai d’un mois à compter du constat de l’inaptitude pour reclasser ou licencier le salarié pour inaptitude.
Afin de mettre en œuvre cette recherche de reclassement, il est conseillé à l’employeur de contacter le médecin du travail, d’échanger avec lui, de lui demander des précisions. Même en cas d’exonération de recherche de reclassement, il est préconisé d’obtenir sa confirmation.
Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve du respect de son obligation de reclassement. Ainsi, il doit tout mettre en œuvre pour la satisfaire et devra pouvoir produire des éléments justificatifs en cas de contentieux.
Il doit rechercher un autre emploi adapté aux capacités du salarié, et doit pour cela, tenir compte des conclusions écrites du médecin du travail et des indications formulées sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Si l’employeur propose au salarié des postes de travail ne respectant pas ces exigences, ils ne seront pas pris en considération pour apprécier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement.
L’existence d’un dialogue entre l’employeur et le médecin du travail après le constat de l’inaptitude contribue à prouver que l’employeur a un rôle proactif dans son obligation de reclassement, en réalisant des recherches effectives de reclassement. Il convient également de solliciter les conclusions écrites du médecin du travail avant toute décision concernant un salarié inapte de retour dans l’entreprise, afin d’obtenir sa position sur la proposition de poste de reclassement.
Postérieurement au constat de l’inaptitude, la recherche de reclassement doit donner lieu à une consultation du Comité Social et Economique si l’entreprise est soumise à l’obligation d’en avoir un compte tenu de son effectif. L’employeur ne peut se soustraire à cette obligation de consultation sauf si un procès-verbal de carence a été établi.
Une fois le Comité Social et Economique consulté, les échanges avec le médecin du travail réalisés, l’employeur peut proposer un poste de reclassement. Il doit s’agir d’une offre sérieuse et précise dans un emploi compatible avec les capacités réduites du salarié et les conclusions écrites du médecin du travail.
La recherche de reclassement pour inaptitude
Pendant la durée de recherche d’un reclassement, le salarié reste sous la direction de son employeur et doit se tenir à sa disposition et déférer à toute convocation.
Le reclassement doit être recherché sur le territoire français parmi les emplois disponibles dans l’entreprise, dans tous les secteurs de l’entreprise, au sein de tous les établissements de l’entreprise, et dans le groupe lorsque l’entreprise concerné appartient à un groupe.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail. Il doit être recherché parmi les postes disponibles. Si l’employeur ne peut offrir qu’un poste de reclassement comportant une modification du contrat, il doit en faire la proposition au salarié qui est en droit de refuser.
Le salarié doit ensuite se positionner sur le poste proposé par son employeur : accepter ou refuser la proposition.
Lorsque le salarié refuse le reclassement proposé par l’employeur, c’est à ce dernier d’en tirer les conséquences, soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement, soit en procédant au licenciement de l’intéressé. L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.
Le salarié médicalement reconnu inapte à son poste ne peut pas prétendre à sa rémunération pour la période nécessaire à la recherche d’un poste de reclassement, car il ne peut pas travailler. L’employeur n’est ainsi pas tenu, sans dispositions conventionnelles plus favorables, de lui verser une rémunération.
En cas d’inaptitude d’origine professionnelle, le salarié peut bénéficier de « l’indemnisation temporaire d’inaptitude », à la charge de la CPAM, dans l’attente de son reclassement ou de son licenciement.
À lire : Inaptitude au Travail, obligation de proposer des postes en CDD pour le reclassement.
Licenciement pour inaptitude : Quelle procédure respecter ?
L’employeur procède au licenciement pour inaptitude du salarié s’il justifie :
- Son impossibilité à lui proposer un emploi compatible avec son état de santé.
- Du refus par le salarié du poste de reclassement qui lui a été proposé.
L’employeur est incité par les textes, à ne pas dépasser un délai d’un mois pour licencier le salarié déclaré inapte. En effet, lorsqu’à l’issue du délai d’un mois à compter du constat de l’inaptitude par le médecin du travail, le salarié n’est pas reclassé ou, le cas échant, licencié, l’employeur devra reprendre le versement de sa rémunération. Pour autant, le dépassement du délai d’un mois ne remet pas en cause le bienfondé du licenciement pour inaptitude.
Mais il faut faire preuve de vigilance : il est certes préférable de respecter ce délai d’un mois, mais il est toutefois déconseillé de licencier le salarié dans un délai trop bref. En effet, un licenciement inaptitude trop rapide pourrait conduire les juges à considérer que l’employeur n’a pas engagé de recherches sérieuses de reclassement et donc à juger le licenciement abusif.
Lorsque l’employeur engage une procédure de licenciement pour inaptitude, il doit le faire dans le respect de la procédure de licenciement pour motif personnel fixée par le Code du travail (convocation à un entretien préalable, déroulement de l’entretien préalable, information des règles d’assistance du salarié, notification du licenciement…).
À ces règles générales s’ajoutent des règles spécifiques au licenciement pour inaptitude :
- Le délai d’un mois à compter de la visite médicale ayant donné lieu à l’avis d’inaptitude, au-delà duquel, si le salarié n’est ni reclassé ni licencié, engendre la reprise du paiement du salaire.
- La motivation de la lettre de licenciement en précisant l’inaptitude et l’impossibilité de reclassement ou l’un des deux cas de dispense de reclassement autorisés par la loi.
Il est possible, pour le contenu de la notification du licenciement, de recourir aux modèles de lettres de licenciements officiels fixés par le décret du 29 décembre 2017, qui peuvent aider l’employeur à n’omettre aucune des mentions obligatoires.
La motivation de la lettre de licenciement est la pierre angulaire de la procédure de licenciement. Afin de se prémunir d’un contentieux, elle doit être suffisante. La lettre doit préciser qu’il s’agit d’un licenciement pour inaptitude et également mentionner, selon le cas :
- L’impossibilité de reclassement.
- La justification du licenciement par le fait que « tout maintien dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ».
- La justification du licenciement par le fait que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Même si la lettre de licenciement indique le motif précis de licenciement et les étapes successives y ayant conduit, le fait que l’employeur n’ait pas fait connaître par écrit les motifs s’opposant au reclassement avant que ne soit engagée la procédure de licenciement la rend irrégulière et ouvre droit à indemnisation pour le salarié.
Le contrat de travail prend fin à la date d’envoi de la notification du licenciement.
À lire : Licenciement individuel pour motif économique, quelles sont les erreurs à éviter ?
Quelles sont les indemnités dues au salarié dans le cadre d’un licenciement pour inaptitude ?
En cas d’inaptitude non professionnelle, l’employeur doit verser l’indemnité légale de licenciement, ou si elle est plus favorable, l’indemnité conventionnelle. Aucune indemnité compensatrice n’est due, mais la durée du préavis, même s’il n’est pas exécuté, doit être prise en compte pour le calcul de l’indemnité.
En cas d’inaptitude professionnelle, deux situations sont à distinguer :
- En l’absence de refus abusif de reclassement par le salarié :
L’employeur est redevable de « l’indemnité spéciale de licenciement ». Il s’agit de l’indemnité légale de licenciement doublée, ou si elle est plus favorable, de l’indemnité conventionnelle de licenciement. L’indemnité compensatrice de préavis est due. - En cas de refus abusif du salarié d’un poste de reclassement proposé par l’employeur :
L’indemnité compensatrice et l’indemnité spéciale de licenciement ne sont pas dues par l’employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.
À connaitre également : La rupture de la période d’essai.
Quelles sanctions sont encourues par l’employeur en cas de saisine par le salarié du Conseil de prud’hommes ?
La nullité du licenciement pourra être prononcée par les juges s’il est démontré que la rupture du contrat de travail a pour seul motif l’état de santé du salarié.
Par exemple : un licenciement pour inaptitude prononcé en dehors de tout avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail est nul.
En cas d’inaptitude professionnelle
Le non-respect de l’obligation de reclassement ouvre droit, au choix du salarié, à sa réintégration au sein de la société ou au versement d’une indemnité égale à 6 mois de salaire.
Ce non-respect peut se matérialiser par :
- Le défaut de proposition par l’employeur d’une offre de reclassement au salarié qui a été déclaré inapte
- L’absence de consultation du CSE
- L’absence de prise en compte des conclusions du médecin du travail
- Le licenciement pour inaptitude pour d’autres motifs que l’impossibilité de reclassement du salarié ou l’avis du médecin du travail mentionnant que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi »
- Le défaut de paiement du salaire au-delà du délai d’un mois en l’absence de licenciement
- La violation de l’obligation de notifier par écrit les motifs s’opposant au reclassement
En cas d’inobservation de la procédure de licenciement de droit commun (convocation à entretien préalable, notification du licenciement…), le salarié percevra une indemnité visant à réparer le préjudice. Elle est fixée par les juges dans la limite d’un montant égal à un mois de salaire.
S’il y a cumul entre licenciement abusif et irrégularité de procédure, les deux indemnités ne se cumulent pas.
En cas d’inaptitude non professionnelle
En cas d’absence de recherche sérieuse de reclassement, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse. L’indemnité déterminée par les juges est donc encadrée par le barème prud’homal érigé en fonction de l’effectif de l’entreprise et l’ancienneté du salarié. Le salarié bénéficiera également de l’indemnité compensatrice de préavis.
Infographie : Procédure de licenciement pour inaptitude médicale
Ci-dessous, vous trouverez une infographie pour comprendre rapidement et facilement la procédure de licenciement pour inaptitude médicale.
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Source de l’infographie : Site internet des éditions Francis Lefebvre.
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