Bon nombre d’employeurs français ont recours à la main d’œuvre étrangère pour assurer la continuité de leur activité, faute de candidats nationaux. Or, ce type d’embauche fait l’objet d’une réglementation abondante au sein de laquelle il est parfois difficile de s’y retrouver.
Récemment, un décret du 31 mars et deux arrêtés du 1er avril dernier ont réformé certaines règles relatives à l’emploi des travailleurs étrangers, notamment les modalités d’obtention de l’autorisation de travail.
Revenons ensemble sur l’ensemble des règles applicables à l’embauche de travailleurs étrangers.
Précautions à prendre avant l’embauche d’un étranger
La prise en compte de la nationalité du candidat
Avant toute embauche, l’employeur doit s’assurer de la nationalité de la personne qu’il envisage d’embaucher, et ce peu important que l’étranger soit ou non déjà présent en France.
En effet, selon l’article L. 8251-1 du code du travail, nul ne peut, directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France.
Ainsi, pour exercer une activité salariée en France, la personne de nationalité étrangère doit être en possession d’un titre en cours de validité valant autorisation de travail.
Toutefois, certaines catégories d’étrangers sont dispensées de détenir une autorisation de travail en raison de leur nationalité.
En effet, les ressortissants des États membres de l’Union européenne (UE) ainsi que les membres de leurs familles, les ressortissants des états parties à l’accord sur l’Espace Economique Européen (E.E.E.) nombres de l’U.E. (à savoir la Norvège, le Liechtenstein et l’Islande) et les ressortissants de la Confédération suisse, sont dispensés d’obtenir une autorisation de travail.
Ces communautaires et assimilés peuvent ainsi circuler, séjourner librement sur notre territoire s’ils sont en possession d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité, et à condition qu’ils ne représentent pas une menace pour l’ordre public.
Ces mêmes personnes peuvent également travailler en France sans détenir un titre de séjour ou une autorisation de travail.
Les ressortissants d’Andorre, de Monaco et de Saint-Marin font l’objet de dispositions spécifiques.
Par voie de conséquence, tout salarié ressortissant d’un pays tiers (c’est-à-dire non membre de l’U.E., de l’E.E.E ou de suisse) qui souhaite exercer une activité salariée en France, doit être en possession d’une autorisation de travail.
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Les différents titres autorisant l’étranger à travailler en France
Un ressortissant étranger souhaitant venir travailler en France doit, en principe, être titulaire d’une autorisation de travail.
Celle-ci peut être limitée à certaines activités professionnelles ou zones géographiques.
À noter : si la profession visée est une activité réglementée, la possession de l’autorisation de travail n’est pas suffisante et l’intéressé devra alors démontrer être autorisé à exercer cette activité particulière.
Le décret du 31 mars et les arrêtés du 1er avril ont réformé les modalités d’emplois des salariés étrangers.
Ces nouvelles règles s’appliquent depuis le 1er avril 2021.
Le décret du 30 mars clarifie la situation et opère la distinction entre la dispense d’autorisation de travail et les titres et documents constituant l’autorisation de travail.
Dans un souci de cohérence et de simplification, le décret liste selon 3 cas de figure, les documents et titres de séjour :
- Ceux qui permettent d’exercer une activité professionnelle sans solliciter d’autorisation de travail (article R 5221-2 du code du travail, 1° à 20°).
Le nouvel article R 5221-2 du code du travail liste les 20 catégories d’étrangers exonérés d’autorisation de travail et précise pour chacun d’eux la condition de cette dispense. - Ceux qui permettent de travailler mais doivent faire l’objet d’une demande d’autorisation de travail au préalable (article R 5221-3, I du code du travail).
- Ceux qui doivent être accompagnés d’une autorisation de travail à part entière (article R 5221-3, II du code du travail).
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Exceptions à l’exigence d’une autorisation de travail
Est dispensé d’autorisation de travail, l’étranger qui entre en France afin d’y exercer une activité salariée pour une durée inférieure ou égale à 3 mois, dans un des domaines suivants :
- Les manifestations sportives, culturelles, artistiques et scientifiques.
- Les colloques, séminaires et salons professionnels.
- La production et la diffusion cinématographiques, audiovisuelles, du spectacle et de l’édition phonographique, lorsqu’il est artiste du spectacle ou personnel technique attaché directement à la production ou à la réalisation.
- Le mannequinat et la pose artistique.
- Les services à la personne et les employés de maison pendant le séjour en France de leurs employeurs particuliers.
- Les missions d’audit et d’expertise en informatique, gestion, finance, assurance, architecture et ingénierie, lorsqu’il est détaché en application des dispositions de l’article L. 1262-1 du code du travail.
- Les activités d’enseignement dispensées, à titre occasionnel, par des professeurs invités.
Dans les activités visées ci-dessus, le travailleur étranger est dispensé de détenir une autorisation de travail. Il devra toutefois, a minima, détenir un titre lui permettant de séjourner en France.
Embauche d’un étranger résidant en France
Pour l’embauche d’un étranger, les démarches incombant à l’employeur vont différer selon que le candidat à l’embauche se trouve déjà en France ou non.
Si l’étranger réside déjà en France, il appartiendra à l’employeur de vérifier au préalable le titre de séjour dont est titulaire la personne.
Hypothèse n°1 : l’étranger est titulaire d’un titre de séjour avec autorisation de travail
Il appartient alors à l’employeur de vérifier son authenticité et l’étendue de l’autorisation de travail.
Ces vérifications s’effectuent auprès du préfet du département du lieu d’embauche d’un travailleur étranger.
Cette démarche à réaliser auprès des services de la Préfecture, doit être effectuée au moins 2 jours ouvrables avant la date d’effet de l’embauche.
Elle doit être faite par lettre datée, signée et recommandée avec avis de réception ou par courrier électronique, accompagnée d’une copie du document produit par l’étranger.
Sans réponse dans les 2 jours ouvrables suivant la réception de la demande, l’obligation de l’employeur de s’assurer de l’existence de l’autorisation de travail est considérée comme remplie.
À noter : cette vérification auprès de la Préfecture n’a pas à être effectuée lorsque l’étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi de Pôle emploi.
Après vérification du titre de séjour et de l’autorisation de travail, l’employeur peut alors procéder aux formalités d’embauche habituelles.
À lire : La prime de pouvoir d’achat 2021.
Hypothèse n°2 : l’étranger est titulaire d’un titre de séjour qui ne comporte pas d’autorisation de travail
L’étranger doit passer, à son initiative, par la procédure dite de changement de statut.
Hypothèse n°3 : le candidat à l’embauche n’a pas de titre de séjour et est en situation irrégulière
L’étranger pourra faire la demande d’une admission exceptionnelle au séjour qui lui permettra d’obtenir un titre de séjour avec autorisation de travail s’il dispose d’une promesse d’embauche.
Des dispositions spécifiques s’appliquent aux étrangers accompagnants d’un enfant malade ainsi qu’aux demandeurs d’asile, lesquels sont déjà présents en France.
Embauche d’un étranger non présent en France
La procédure de demande d’autorisation de travail
Une demande dématérialisée…
Lorsque l’étranger candidat à l’embauche en France ne détient pas de titre de séjour l’autorisant à travailler, son futur employeur doit alors faire la demande d’une autorisation de travail, par le biais de la procédure d’introduction de l’étranger.
Le décret du 31 mars 2021 redéfinit les modalités de la demande d’autorisation de travail.
Depuis le 6 avril 2021, un télé service permet à l’employeur d’adresser sa demande par voie dématérialisée (Accueil | Étrangers en France (interieur.gouv.fr)).
Cette demande est à adresser au préfet du département dans lequel l’établissement employeur a son siège.
Un arrêté du 1er avril dernier liste les pièces que l’employeur doit fournir à l’appui de sa demande.
Lorsque l’autorisation de travail est accordée, il appartiendra à l’employeur de payer une taxe spéciale dont le montant est fixé en fonction du niveau de rémunération du travailleur étranger et de la durée du contrat proposé.
La demande d’autorisation sous format dématérialisée se veut être une procédure simple, permettant de déposer rapidement une demande.
À connaitre : Obligation pour les employeurs de sensibiliser leurs salariés aux gestes qui sauvent avant leur départ à la retraite.
Mais soumise au respect de plusieurs conditions
Auparavant, l’obtention d’une autorisation de travail était soumise à la seule appréciation par le préfet de critères réglementaires.
Le décret du 31 mars 2021 redéfinit les conditions exigées pour obtenir l’accord du préfet sur l’autorisation de travail :
- S’agissant de l’emploi : l’emploi doit figurer sur la liste régionale des métiers en tension fixée par l’arrêté du 1er avril 2021, ou l’offre pour cet emploi doit avoir fait l’objet d’une publication préalable pendant un délai de 3 semaines auprès des organismes concourant au service public et n’a pu être satisfaite par aucune candidature correspondant aux caractéristiques du poste proposé.
- S’agissant de l’employeur : il doit être en règle avec la législation sociale.
En 1er lieu, l’employeur souhaitant recourir à l’embauche d’un travailleur étranger, doit remplir les obligations déclaratives sociales liées à son statut ou à son activité.
De plus, l’employeur ne doit pas avoir fait l’objet d’une condamnation pénale pour travail illégal ou pour avoir méconnu ses obligations générales en matière de santé et de sécurité, ni avoir commis de manquements graves constatés par l’administration dans les matières suscitées.
D’autre part, l’employeur ne doit pas avoir fait l’objet de sanctions administratives en matière de détachement ou de travail illégal.
Enfin, l’employeur ou l’entreprise d’accueil et le salarié doivent satisfaire aux conditions réglementaires d’exercice de l’activité considérée, quand de telles conditions sont exigées.
S’agissant du salaire proposé pour l’embauche, celui-ci doit être conforme aux dispositions du Code du travail sur le smic et à la rémunération minimale prévue par la Convention collective applicable à l’entreprise.
Un arrêté fixant les modalités selon lesquelles l’employeur doit effectuer la déclaration nominative préalable à l’embauche d’un étranger, est attendu.
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Rôle de l’Ofii
Dans le cadre de la procédure d’introduction de l’étranger (demande d’autorisation de travail), l’employeur sera amené à échanger avec l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (Ofii), lequel constitue une aide précieuse pour l’employeur.
L’Ofii est un établissement public administratif chargé, sur l’ensemble du territoire français, du service public de l’accueil des étrangers titulaires pour la première fois d’un titre les autorisant à séjourner durablement en France.
Cet établissement public dispose d’un large réseau puisqu’il travaille avec tous les acteurs institutionnels français et étrangers et coopère notamment avec les préfectures et les ambassades.
Les missions de l’ofii sont nombreuses, ce qui en fait un acteur majeur de l’accueil et l’emploi de travailleurs étrangers sur notre territoire.
Les sanctions liées à la méconnaissance de la réglementation relative à l’emploi de travailleurs étrangers
L’employeur n’accomplissant pas les vérifications nécessaires avant l’embauche d’un travailleur étranger encourt des sanctions extrêmement importantes.
Les personnes physiques employant ou ayant sciemment recours aux services d’un employeur qui occupe des étrangers sans titre sont passibles de sanctions pénales variant selon la qualification de l’infraction.
Ainsi, est passible d’une amende de 3 000 € et d’un an d’emprisonnement, l’employeur établissant une fraude ou fausse déclaration pour l’obtention ou la tentative d’obtention d’un titre de séjour.
L’employeur qui embauche ou conserve en toute connaissance de cause à son service un étranger sans titre de séjour peut se voir condamné à amende de 15 000 € par étranger concerné et jusqu’à 5 ans de prison.
Les sanctions sont identiques si l’employeur a recours en toute connaissance de cause directement ou indirectement, aux services d’une entreprise employant un étranger non autorisé à travailler.
Les sanctions applicables sont portées à 100 000 € d’amende et 10 ans d’emprisonnement en cas d’infraction commise en bande organisée. En outre, les personnes physiques ou morales condamnées encourent la confiscation de tout ou partie de leurs biens.
Les personnes morales peuvent aussi être déclarées pénalement responsables et encourir des sanctions financières.
Enfin, de lourdes sanctions administratives et pécuniaires sont également prévues (suppression des aides publiques en matière d’emploi et de formation professionnelles, remboursement de tout ou partie des aides perçues au cours des 12 derniers mois, fermeture temporaire de l’établissement, exclusion temporaire des contrats administratifs, suppression de toute mesure d’exonération ou réduction de cotisations de sécurité sociale…).
Bien connaître et respecter la réglementation relative à l’emploi de travailleurs étrangers revêt donc un enjeu majeur pour l’employeur.
Avant d’initier l’embauche d’un salarié de nationalité étrangère, nous vous invitons à contacter notre service Conseil social afin que nous vérifions ensemble la faisabilité de votre projet et les démarches à accomplir en amont.
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Sources de l’article sur l’embauche de travailleurs étrangers : Juristes en droit social Axens / Liaisons sociales quotidien / Editions législatives / Editions Francis Lefebvre / Service public.