Depuis le 5 décembre dernier, la grève contre la réforme des retraites est dans toutes les conversations ! Et pour cause, la France vit au ralenti du fait des manifestations, des transports urbains fortement impactés…
Au-delà des enjeux d’ordre national, l’employeur se retrouve, quant à lui, face à plusieurs problématiques : comment traiter les salariés grévistes ? Comment pallier aux difficultés liées aux transports ?
Mes salariés peuvent-ils faire grève ?
Dans l’esprit commun, on a tendance à associer les mouvements de grève à certains secteurs ciblés : la fonction publique, la SNCF…
Or, les salariés du privé peuvent également prendre la décision de faire grève. La grève est en effet un droit fondamental inscrit dans notre Constitution.
Comment reconnaître un salarié gréviste ?
Votre salarié sera juridiquement considéré comme gréviste si le mouvement qu’il exerce répond à toutes les conditions fixées par la jurisprudence : la grève est la cessation collective et concertée du travail visant à appuyer des revendications professionnelles.
Cessation du travail
L’arrêt de la prestation de travail doit être total. La durée de la grève importe peu : la cessation du travail peut durer 1 heure comme 10 jours.
À contrario, la grève « perlée » qui consiste à travailler au ralenti ou dans des conditions volontairement défectueuses ne sera pas qualifiée de grève mais de mouvement illicite.
Cessation collective
Il faut par principe être à minima 2 personnes pour faire grève. Toutefois, l’arrêt de travail d’un seul salarié sera bien qualifié de grève s’il est l’unique salarié de l’entreprise ou bien s’il obéit à un mot d’ordre formulé sur le plan national.
Cessation concertée
Il ne faut pas nécessairement que la grève ait été préparée longtemps à l’avance, mais elle doit découler d’une décision préalable concertée des salariés d’enclencher un mouvement revendicatif.
Visant à appuyer des revendications professionnelles
L’exercice de la grève n’est soumis à aucun préavis. L’employeur doit seulement être informé des revendications au moment du déclenchement du mouvement. Aucun formalisme n’est exigé.
Quelques exemples… Grève ou mouvement illicite ?
- 3 salariés d’une entreprise de 150 salariés arrêtent de travailler de 10h à 12h. A 10h, ils adressent un mail à leur employeur pour exposer leurs revendications. Grève.
- 1 salarié d’une entreprise de 12 salariés n’est pas venu travailler le jeudi 5 décembre 2019 et a remis la veille, à son manager, ses revendications sur papier libre : il suit le mouvement national qui s’oppose à la réforme des retraites menée par le gouvernement. Grève.
- 1 salarié boulanger décide, le jeudi 5 décembre 2019, de ne pas du tout produire de pain, mais seulement les viennoiseries. Il avait adressé le matin-même ses revendications à son employeur. Mouvement illicite (la cessation du travail n’est pas totale).
- Le jeudi 5 décembre 2019, un salarié d’une usine n’est pas venu travailler. Il n’a donné aucune explication à son employeur. Mouvement illicite (il n’a pas adressé ses revendications à son employeur).
Vos salariés sont en droit d’exercer leur droit de grève mais pour cela, ils doivent scrupuleusement respecter chacune des conditions fixées. Le non-respect de l’une des conditions empêchera la qualification de gréviste.
Comment traiter un salarié gréviste ?
Lorsque les conditions de la grève sont remplies le contrat de travail du salarié est suspendu. L’employeur peut ainsi opérer une retenue sur salaire correspondant strictement à la durée de la cessation du travail.
Un salarié qui fait grève exerce un droit fondamental, ainsi l’employeur ne peut pas le sanctionner.
De plus, il est interdit de faire figurer la participation à un mouvement de grève sur le bulletin de paie.
Lorsque le mouvement est illicite car les conditions de la grève ne sont pas remplies le salarié peut être sanctionné du fait de son absence injustifiée, ou de la non-exécution délibérée de certaines de ses fonctions par exemple.
À lire : L’avertissement d’un salarié.
Comment faire face aux perturbations liées à la grève ?
La grève peut engendrer des difficultés pour travailler
Nombreux sont les salariés qui, chaque jour, utilisent les transports en commun (trains, transports urbains) pour se rendre sur leur lieu de travail et qui rencontrent donc des difficultés depuis le 5 décembre dernier.
Même si une grève des transports ne dispense pas le salarié de son obligation de venir travailler, il serait malvenu de sanctionner un salarié pour un retard lié à des difficultés de transport découlant d’une grève.
L’employeur a tout intérêt à mettre en place des dispositifs pour favoriser la poursuite de l’activité malgré les difficultés rencontrées.
La prise de jours de RTT ou de jours de congés
Le salarié peut demander à poser des jours de congés payés ou des jours de RTT s’il en bénéficie. En tant qu’employeur, vous ne pouvez pas l’imposer car le délai de prévenance d’un mois ne serait pas respecté.
Cette possibilité n’est cependant pas une solution pérenne. En effet, beaucoup de salariés en ont usé le jeudi 5 décembre 2019, mais n’ont eu d’autre choix que de revenir travailler dès le vendredi.
Le télétravail
Si l’entreprise a les outils nécessaires et que les fonctions du salariés y sont propices, le télétravail peut être une solution pour pallier aux difficultés liées à la grève des transports. L’employeur et les salariés qui bénéficient déjà du télétravail peuvent s’accorder pour faire coïncider le jour de télétravail avec le jour de grève annoncé.
Concernant les salariés qui n’en bénéficiaient pas avant la grève, le télétravail occasionnel au titre de la journée de grève peut être formalisé par tout moyen et ne nécessite pas l’accomplissement de formalités contraignantes.
Il est cependant conseillé à l’employeur de régler en amont les questions de disponibilité du matériel, de conformité des installations du logement du salarié à la pratique du télétravail.
À lire : La mise en place du télétravail.
L’organisation du transport des salariés
L’employeur peut encourager ses salariés à faire du covoiturage en communiquant à ce sujet.
Il peut même aller plus loin et mettre en place des navettes permettant à ses salariés de se rendre de leur domicile jusqu’à leur lieu de travail.
En conclusion
En cas de grève, les mesures à mettre en place par les employeurs dépendent de l’activité exercée, de la situation géographique de l’entreprise, du lieu de domicile des salariés, des fonctions exercées. Il n’y a pas de règle applicable de façon uniforme.
L’employeur doit veiller au respect des prérogatives légales en matière de grève, tout en faisant preuve de bon sens, de discernement, afin de permettre la poursuite de son activité tout en tenant compte des difficultés de fait découlant de la grève.
À lire : La prime pouvoir d’achat reconduite pour 2020 ?