Actualité mise à jour le 18/03/2024.
Depuis 2008, employeur et salarié peuvent décider à l’amiable de mettre fin au contrat de travail à durée indéterminée qui les lie, par le biais de la rupture conventionnelle.
En novembre 2023, Elisabeth Borne, Première ministre à cette date, avait annoncé la nécessité de faire le point sur les dispositifs existants, tels que la rupture conventionnelle, dans le cadre de la lutte contre le chômage dans l’Hexagone. De nombreux articles de presse laissaient entendre qu’une réflexion sur la suppression du dispositif pourrait être engagée. Nous vous invitons à lire notre article de l’époque sur la réforme rupture conventionnelle pour en savoir plus.
Catherine Vautrin, Ministre du Travail du nouveau Gouvernement Attal depuis janvier 2024, a écarté publiquement toute suppression de la rupture conventionnelle. La pérennité du dispositif n’est ainsi pas remise en cause.
Rupture conventionnelle : Présentation de la procédure
Les parties se mettent d’accord sur le principe, sur les modalités de la rupture conventionnelle (date de sortie des effectifs, montant de l’indemnité de rupture à verser…) qu’elles formalisent dans le cerfa n° 14598*01 intitulé « Rupture conventionnelle d’un contrat de travail à durée indéterminée et formulaire de demande d’homologation ». Ce dernier est ensuite adressé à la DDETS (Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités) via la plateforme dématérialisée TeleRC. La DDETS, sous couvert du respect des conditions et des délais de procédure, procède à l’homologation ou au refus la rupture conventionnelle..
Cette homologation a pour conséquence de mettre fin à la relation contractuelle entre l’employeur et le salarié, à la date prévue au sein du Cerfa. La rupture conventionnelle présente des avantages :
- Pour le salarié : à l’inverse de la démission, la rupture conventionnelle ouvre le droit à l’indemnisation chômage et au versement d’une indemnité de rupture.
- Pour l’employeur : le motif de la rupture étant le consentement des parties, il est sécurisant et amenuise le risque de litige par rapport à un licenciement.
Un employeur peut se voir confronté à la rupture conventionnelle lorsqu’un salarié lui en fait la demande, ou en être à l’origine s’il fait face un salarié démotivé, qui ne souhaite plus s’investir dans l’entreprise par exemple.
La procédure de rupture conventionnelle peut donc être un véritable accord « gagnant-gagnant » entre l’employeur et le salarié, à condition bien sûr de ne commettre aucun faux pas !
S’assurer du consentement libre du salarié tout au long de la procédure de rupture conventionnelle
Le motif de la rupture conventionnelle est le consentement des parties à mettre fin au contrat de travail qui les lie. Le consentement de chacune d’elles doit être libre : la rupture conventionnelle ne peut pas être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Tout indice qui concourrait à démontrer que le salarié a été influencé par l’employeur pourrait entacher la rupture conventionnelle de nullité. Comment éviter cet écueil ?
- Si le salarié est à l’origine de la demande, demandez-lui de solliciter la rupture conventionnelle par un écrit faisant ressortir les motivations de sa demande (Exemple : projet de reconversion professionnelle ; départ à l’étranger).
- Si, en tant qu’employeur, vous êtes à l’origine de la demande, la prudence est de rigueur car le risque que le salarié invoque une pression ou des menaces n’est pas négligeable.
Parlez-en tout d’abord de façon informelle avec le salarié. S’il se montre très réceptif, vous pourrez commencer à envisager concrètement une rupture conventionnelle. - Si initialement le salarié semblait complètement intéressé par la conclusion d’une rupture conventionnelle, mais qu’il souhaite finalement abandonner en cours de procédure, il est risqué d’insister et de persévérer. Le salarié pourrait ensuite avancer que son consentement a été altéré.
À lire : La Rupture anticipée CDD.
Formaliser par écrit les invitations aux entretiens et les comptes-rendus d’entretiens
La négociation de la rupture conventionnelle se déroule pendant le(s) entretien(s). En vertu de la loi, un seul entretien est obligatoire. Toutefois, si les parties rencontrent des difficultés à s’accorder sur les différentes modalités au moment de l’entretien de rupture conventionnelle, il est préférable d’organiser au moins deux entretiens dans un souci de sécurisation de la procédure.
Afin de pouvoir prouver que les modalités de la rupture conventionnelle découlent d’une négociation libre entre l’employeur et le salarié, il est conseillé de :
- Formaliser les invitations aux entretiens par des écrits explicitant le fait qu’au préalable, les parties ont déjà constaté leur souhait réciproque de conclure une rupture conventionnelle. Il est également vivement conseillé de préciser que lors de chaque entretien, le salarié peut se faire assister par un salarié de l’entreprise, ou en l’absence d’institution représentative du personnel, par un conseiller du salarié.
- Établir des procès-verbaux d’entretien rupture conventionnelle signés des deux parties.
Sur le même thème : Rupture contrat apprentissage, tout savoir.
Ne pas sous-estimer l’étape de la négociation de l’indemnité de rupture conventionnelle
Dans le cadre d’une rupture conventionnelle, l’employeur a l’obligation de verser une indemnité de rupture qui ne peut être inférieure à l’indemnité prévue en cas de licenciement (indemnité légale ou conventionnelle selon la plus favorable). Il s’agit de l’indemnité de rupture conventionnelle. Toutefois, dans le cadre de la négociation, les parties peuvent s’accorder sur une indemnité d’un montant supérieur.
L’intérêt pour l’employeur d’accepter de négocier le montant de la rupture dépendra de la situation :
- Si la demande de rupture conventionnelle émane exclusivement du salarié et que l’employeur n’avait pas en tête, avant sa demande, de voir le salarié quitter les effectifs, il pourra décider de rester ferme sur sa volonté de ne pas verser plus que l’indemnité minimale de rupture conventionnelle.
- Si l’employeur a pour but que le salarié quitte l’entreprise, il a tout intérêt à accepter de négocier le montant de l’indemnité de rupture. En effet, la rupture conventionnelle lui permet de se séparer d’un salarié avec qui il ne souhaite plus collaborer, en le préservant d’un éventuel futur contentieux. Refuser de négocier le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle pourrait faire revenir le salarié sur sa décision.
Attention, la conclusion d’une rupture conventionnelle n’empêche pas le salarié de saisir le Conseil de prud’hommes pour toute demande relative à l’exécution du contrat de travail. La rupture conventionnelle règle seulement la rupture de ce dernier.
Ainsi, le fait de verser une indemnité de rupture conventionnelle supralégale pour par exemple compenser des heures supplémentaires non payées que réclame votre salarié est une erreur. Le salarié obtiendra, dans un tel cas, gain de cause devant le Conseil de prud’hommes car l’indemnité de rupture conventionnelle n’a pas la même nature qu’un rappel de salaire. L’employeur sera condamné à verser le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, peu importe qu’il ait versé une indemnité d’un montant supérieur à l’indemnité minimale.
Dans un cas similaire, il est conseillé de régulariser la situation par le biais de rappels de salaires. L’indemnité de rupture conventionnelle doit être négociée indépendamment de ces considérations.
Ne pas antidater la procédure de rupture conventionnelle
À compter du lendemain de la signature de la rupture conventionnelle, court un délai de rétractation de 15 jours calendaires pendant lequel, chacune des parties peut librement se rétracter de la procédure engagée. Ce n’est qu’à compter du lendemain de l’expiration de ce délai, que le Cerfa pourra être adressé à la DDETS pour homologation.
Les parties peuvent être tentées d’antidater la procédure de rupture conventionnelle en faisant échec au délai de rétractation, afin de permettre une date de rupture du contrat de travail plus précoce.
Antidater la rupture conventionnelle est fortement déconseillée ! En cas de recours devant le Conseil de prud’hommes, la rupture conventionnelle pourrait être annulée pour vice du consentement, étant donné que le salarié s’est vu supprimer la possibilité d’exercer librement son droit de rétractation.
À lire : Rupture conventionnelle non validée en cas de vice du consentement.
Ne pas modifier la date de rupture fixée dans la convention de rupture
Lorsque les parties s’accordent sur les modalités de la rupture conventionnelle, elles déterminent notamment la date de la rupture du contrat de travail. La loi prévoit qu’elle ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation.
Comme la DIRECCTE bénéficie d’un délai d’homologation de 15 jours ouvrables à compter de la réception du formulaire de demande de rupture conventionnelle, l’employeur et le salarié fixent, au plus tôt, la date de rupture du contrat de travail le lendemain du 15ème jour ouvrable.
Il arrive que la DIRECCTE autorise la rupture du contrat de travail avant la fin du délai. Même si dans ce cas, d’un point de vue administratif, le contrat peut être rompu avant la date fixée dans le Cerfa, il est préférable de s’en tenir à cette dernière. En effet, la rupture conventionnelle repose sur la volonté commune des parties. Le salarié pourrait contester la rupture conventionnelle sur le fondement du non-respect par l’employeur des modalités de rupture conventionnelle négociées par les parties.
Pouvoir justifier de la remise d’un exemplaire signé du document CERFA au salarié
La remise au salarié d’un exemplaire du Cerfa de rupture conventionnelle signé par les deux parties est obligatoire. Si l’employeur ne peut pas prouver cette remise, le salarié pourra obtenir l’annulation de la rupture conventionnelle, sans avoir à prouver un quelconque vice du consentement.
De fait, en plus de la remise d’un exemplaire signé du Cerfa au salarié, il est fortement conseillé de faire signer au salarié un récépissé de remise du formulaire de rupture conventionnelle. Ce récépissé doit être produit en deux exemplaires, afin que chacune des parties à la rupture conventionnelle en conserve un signé.
À lire : Rupture conventionnelle, documents de fin de contrat et homologation.
Eviter les ruptures conventionnelles dans certaines situations
Le Cour de cassation admet la conclusion d’une rupture conventionnelle avec des salariés :
- En arrêt de travail pour accident ou maladie non professionnelle depuis plus de 30 jours.
- En arrêt de travail pour accident ou maladie professionnelle.
- En congé maternité.
Nous avions, par exemple, publié des articles d’actualité concernant la rupture conventionnelle pendant congé maternité ou même la rupture conventionnelle pendant un arrêt de travail.
Toutefois, conclure des ruptures conventionnelles dans ces situations est déconseillé. En effet, ces salariés doivent bénéficier, à l’issue de leur absence d’une visite de reprise auprès de la médecine du travail. Au cours de celle-ci, le médecin a la possibilité de rendre un avis d’inaptitude qui, en l’absence de possibilité de reclassement, aboutira à un licenciement pour inaptitude. De plus, un salarié en arrêt maladie n’est pas apte à travailler, ce qui implique corrélativement qu’il pourrait ne pas être en pleine possession de ses moyens pour prendre une telle décision relative à la rupture de son contrat de travail.
Le salarié pourrait invoquer, pour ces raisons, que son consentement a été vicié et obtenir l’annulation de la rupture conventionnelle devant le Conseil de prud’hommes.
Si malgré ces risques vous décidez quand même d’engager une rupture conventionnelle, il est primordial de conserver des preuves du consentement libre du salarié. Il est préférable que le salarié soit à l’origine de la demande, qu’il le formalise par un écrit, que plusieurs entretiens soient organisés et que des écrits soient signés à l’issue de chacun d’entre eux.
Rupture conventionnelle : En conclusion
En résumé, la rupture conventionnelle est un moyen sécurisant de mettre fin au contrat de travail qui lie l’employeur à son salarié. Cette sécurité est cependant subordonnée au respect de la procédure du rupture conventionnelle et surtout au libre consentement des parties qui doit être non équivoque !
La présence d’un vice de consentement pourrait en effet coûter cher à l’employeur : l’annulation de la rupture conventionnelle par les juges qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
À lire : La lettre d’avertissement salarié.