Validation du « barème Macron » par la Cour de cassation

barème macron

Par un avis rendu le 17 juillet 2019, la Cour de cassation a jugé le barème des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse compatible avec les normes internationales. Retour sur les événements qui ont abouti à ce dénouement.

 

Quelles sont les indemnités concernées par le barème Macron ?

Les ordonnances Macron du 22 septembre 2017 ont mis en place un barème permettant d’encadrer le montant des indemnités allouées par le juge dans le cadre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Attention, ces indemnités ne doivent pas être confondues avec l’indemnité de licenciement ! Petit rappel :

INDEMNITÉ DE LICENCIEMENT

Indemnité due par l’employeur à salarié qui justifie d’au moins 8 mois d’ancienneté (sauf en cas de faute grave ou lourde).

 

INDEMNITÉS VERSÉES EN CAS DE LICENCIEMENT REQUALIFIE EN LICENCIEMENT SANS CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE

Dommages et intérêts liés à la requalification par les juges du fond du licenciement en licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. 

Nature des indemnités Indemnité réparant le préjudice du salarié lié à la rupture de son contrat de travail à l’initiative de l’employeur Dommages et intérêts visant à réparer le préjudice subi par le salarié ayant été licencié alors que l’employeur n’avait pas de cause réelle et sérieuse (motif valable) pour le faire
Versement des indemnités Versement automatique de l’indemnité de licenciement par l’employeur au moment de la rupture du contrat de travail, dans le cadre du solde de tout compte Versement uniquement si :

* Le salarié a saisi le conseil des prud’hommes pour obtenir la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse* Le conseil de prud’hommes a accueilli la demande du salarié et a condamné l’employeur à verser des dommages et intérêt au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

 

 

Montant Fixé par la loi : Au minimum égal à ¼ de mois de salaire par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans et 1/3 pour les années au-delà de 10 ans (sauf si dispositions conventionnelles plus favorables) Fixé par les juges du fond : mais encadré par le barème Macron

Ainsi, le barème Macron ne concerne que les indemnités que devra verser l’employeur si le conseil de prud’hommes juge, après saisine du salarié licencié, que le licenciement qu’il a prononcé est dénué de cause réelle et sérieuse.

À lire : La rupture anticipée du CDD.

 

La naissance du « barème Macron » : l’encadrement des indemnités prud’homales

Entrée en vigueur du barème Macron

Ce barème est applicable pour tous les licenciements prononcés à compter du 24 septembre 2017, et non pas depuis la date à laquelle la Cour de cassation a rendu son avis, comme on a pu l’entendre dans certains médias !

 

Champ d’application

Le barème s’applique non seulement aux licenciements dénués de cause réelle et sérieuse, mais également aux prises d’acte et aux résiliations judiciaires du contrat de travail lorsqu’elles produisent les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le barème n’est toutefois pas applicable lorsque le juge prononce la nullité du licenciement (licenciement discriminatoire ou en liaison avec des actes de harcèlement…). Dans ce cas, l’indemnité versée ne doit pas être inférieure aux salaires perçus par le salarié au cours des 6 derniers mois et n’est pas plafonnée.

À lire : Licenciement du salarié en longue maladie.

 

Avant les ordonnances

Avant l’entrée en vigueur des ordonnances, les règles attachées à la sanction d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse étaient les suivantes :

  • Salarié ayant au moins 2 ans d’ancienneté dans une entreprise d’au moins 11 salariés : réintégration du salarié ou, si refus par l’employeur ou le salarié, dommages et intérêts d’un montant ne pouvant être inférieur aux salaires des 6 derniers mois
  • Conditions d’ancienneté et d’effectif pas remplies cumulativement : réintégration du salarié ou, si refus par l’employeur ou le salarié, dommages et intérêts était fixé par les juges en fonction du préjudice subi.

 

Encadrement des indemnités

Le barème Macron restreint le rôle du juge en matière d’appréciation du montant des dommages et intérêts en tenant compte de l’ancienneté du salarié et en fixant des plafonds et des planchers. Jusqu’à 10 ans d’ancienneté, les planchers sont plus élevés pour les entreprises d’au moins 11 salariés que pour celles dont l’effectif est inférieur à ce seuil. A partir de 11 ans d’ancienneté, les plafonds et les planchers sont les mêmes, peu importe l’effectif.

Le montant des dommages et intérêts est plafonné à 20 mois de salaire pour un salarié justifiant de 30 années d’ancienneté ou plus.

Vous pouvez consulter le barème dans son intégralité et par exemple estimer le coût que pourrait engendrer le licenciement abusif de l’un de vos salariés : (lien : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F33999).

 

Le barème controversé : des conseils de prud’hommes s’émancipent de son application

Depuis son entrée en vigueur, le barème Macron fait l’objet de nombreuses controverses de la part de la doctrine mais divise également les conseils de prud’hommes. Certains sont allés jusqu’à s’affranchir des plafonds imposés par la loi (Angers, Amiens, Grenoble, Lyon, Troyes…). Leur motif ? Le barème ne serait pas compatible avec des principes découlant du droit international.

 

La saisine de la Cour de cassation pour avis et le « verdict »

Les conseils de prud’hommes de Louviers et de Toulouse ont refusé de se prononcer sur la conformité du barème aux normes de droit international et ont saisi la Cour de cassation pour avis.

La Cour de cassation a rendu son avis en formation plénière : le barème Macron est compatible avec les normes de droit international ! L’avis est rendu sans réserve, pas même concernant les salariés disposant d’une faible ancienneté pour lesquels l’effet du plafonnement est le plus fort.

 

Les conséquences de l’avis favorable de la Cour de cassation

À la lecture de l’avis, on pourrait penser que le débat sur la conventionalité du barème est clos. Mais techniquement, les juges du fond ne sont pas tenus par un avis de la Cour de cassation ! On peut imaginer que les conseils de prud’hommes et les cours d’appel rallieront l’avis de la Cour de cassation. En effet, en cas d’appel puis de pourvoi, nul doute que la chambre sociale suivra l’avis rendu en formation plénière.

Mais une décision du conseil de prud’hommes de Grenoble du 22 juillet dernier sème déjà le doute en résistant à l’avis de la Cour de cassation en décidant de s’émanciper du barème prud’homal…

Dès le 25 septembre 2019, les cours d’appel de Paris et de Reims amorceront la tendance puisqu’elles devront se prononcer sur des affaires mettant en cause la conventionalité du barème Macron.

 

L’impact du barème sur le contentieux prud’homal

Les avocats des salariés ont tendance à systématiquement demander au principal la nullité du licenciement afin d’écarter l’application du barème Macron pour obtenir un montant de dommages et intérêts non plafonné. La demande en licenciement sans cause réelle et sérieuse est reléguée à titre subsidiaire.

Les employeurs doivent donc s’attendre à voir leurs salariés plaider le harcèlement dans le but d’obtenir la nullité du licenciement.

Les demandes annexes, notamment relatives à l’exécution du contrat de travail (rappels d’heures supplémentaires, manquements de l’employeur à son obligation de sécurité, à son obligation de formation) se multiplient et peuvent lourdement faire augmenter l’addition…

Toutes ces demandes cumulées peuvent aboutir au versement par l’employeur de montants plus importants que ceux liés à l’absence de cause réelle et sérieuse !

L’employeur doit donc garder en tête que le barème Macron va pousser les avocats des salariés à multiplier leurs chefs de demande pour compenser la restriction du montant des indemnités prud’homales.

 

Important : Une transaction est valables seulement si le licenciement est notifié par lettre recommandée avec accusé de réception.

 

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