L’ordonnance du 10 février 2016, applicable depuis le 1er octobre 2017 a largement modifié les règles applicables aux contrats. Certains points de cette réforme du droit des contrats sont à prendre en compte et demandent une vigilance accrue.
De manière générale, les rapports entre professionnels se distinguent de moins en moins des rapports entre professionnels et consommateurs. Le co-contractant professionnel devient presque aussi « protégé » que le consommateur, d’où la naissance ou le renforcement de plusieurs obligations.
La phase pré-contractuelle et le devoir d’information
L’obligation de bonne foi est prévue par le code civil en matière contractuelle mais désormais, cette obligation est étendue à la phase de négociation. Le devoir d’information est donc plus large.
- Article 1104 du Code civil : «Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public. » (Elle ne peut donc pas être écartée).
- Article 1112-1 du Code civil : « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant […] ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. […] Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir. Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat … ».
- Passer par l’écrit, formaliser au maximum (y compris pendant les négociations). Ajouter une clause en préambule du contrat indiquant que la société reconnaît avoir été informée de tout élément déterminant pour son consentement.
Ce sont ici les premiers points de cette réforme droit contrats.
Les conditions générales de vente
Toujours dans le cadre de l’obligation d’information, le co-contractant doit avoir en sa possession tous les documents qui lui permettront de donner son consentement. Parmi ces documents figurent les CGV. Les conditions générales de vente sont obligatoires dès lors qu’un professionnel contracte avec un particulier (consommateur) et doivent obligatoirement être tenues à la disposition du professionnel en cas de rapport B to B.
Article L441-6 du Code de commerce : Sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et deux millions d’euros pour une personne morale[…] Le montant de l’amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. Sous les mêmes sanctions, sont interdites toutes clauses ou pratiques ayant pour effet de retarder abusivement le point de départ des délais de paiement mentionnés au présent article.
Il est impératif d’avoir des conditions générales de vente. Orienter et sensibiliser les clients dans ce sens.
Important : Comment faire signer ses conditions générales de vente à ses clients ?
Les baux commerciaux et les conventions réglementées (Le contrat « entre soi-même »)
Réforme du droit des contrats : Bail commercial
Indirectement, de nombreux contrats se trouvent touchés par cette réforme des contrats, notamment les contrats d’adhésion et les baux commerciaux. Si jusqu’à présent, la notion de représentation et le fait de conclure un bail commercial pour une seule personne ne posait pas de souci majeur, c’est désormais interdit.
Article 1161 du Code civil : Un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté. En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié (notion qui n’est toujours définie, que la jurisprudence devrait préciser) ».
Ainsi, le représentant d’une société qui est également représentant de la société co-contractante ne peut signer deux fois. L’acte sera considéré comme nul et inopposable, c’est-à-dire qu’il ne produira aucun effet.
Dans la mesure du possible, les baux commerciaux doivent être signés par deux signataires différents, quand bien même une seule et même personne est chargée de l’exécution du bail. Si le deuxième signataire est seulement associé, il est possible de préciser en préambule qu’il est « dûment habilité aux fins des présentes ».
À lire : Non renouvellement du bail commercial et indemnité d’éviction.
Réforme droit des contrats et conventions réglementées
Cet article pose problème en matière de ratification des conventions réglementées. En cas de pluralité de représentants légaux, la difficulté pourra être contournée en faisant intervenir le représentant non directement concerné par le contrat. À défaut, pour que l’acte ne soit pas annulé, le représentant légal devra, soit obtenir une ratification a posteriori par la collectivité des associés, avec le risque qu’un accord ne soit pas délivré, soit obtenir une autorisation préalable de la collectivité des associés, ce qui peut s’avérer extrêmement lourd si cette autorisation est délivrée au cas par cas.
L’article 1161 ne définissant pas le formalisme de l’autorisation, on peut envisager la possibilité de faire adopter par la collectivité des associés une autorisation générale pour les représentants légaux de signer des conventions. Il est également possible d’insérer cette autorisation « d’office » dans les statuts, précisant que « la collectivité des associés ou tout autre organe nommant le représentant légal peut exonérer ce dernier des limitations de l’article 1161 du Code civil ».
ATTENTION ! Il n’y a pas encore de jurisprudence à ce sujet et il est très probable que celle-ci se prononce rapidement. Donc, dans la mesure du possible, faire appel à un autre signataire.
Réforme du droit des contrats : L’imprévision
Cette réforme du droit des contrats permet une renégociation d’un contrat dans le cas où « un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque ». En cas de désaccord entre les contractants, c’est in fine le juge qui pourra être amené à remodeler en profondeur le contrat.
Article 1195 Code civil : Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe.
Ces dispositions ne sont pas d’ordre public. Mieux vaut prévoir d’inclure dans les contrats des clauses permettant d’y déroger (notamment en matière de bail commercial).
N’oubliez pas que le prélèvement à la source c’est pour très bientôt ! Consultez notre FAQ sur le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu pour tout savoir.